MATHEMATIQUES A PROPOS DE LA MARELLE

 

HISTORIQUE

Le nom de marelle (ou mérelles) viendrait du latin merellus qui signifie pion. Les Grecs jouaient à diverses variantes de marelle. Ovide décrit ce jeu dans L'Art d'aimer : "on y joue au moyen de trois pièces pour chaque joueur, sur une petite table dressée à cet effet ; pour gagner il faut amener ses trois pièces sur une même ligne".

Sa popularité tient également au fait que le matériel nécessaire pour jouer est rudimentaire : quelque lignes tracées dans le sable et des caillous suffisent.

 

LA REGLE DU JEU

La marelle se joue à deux sur un plateau de 24 points dont certains sont reliés trois par trois en "moulins". Chaque joueur dispose, au départ, de 9 pions d'une couleur.

La partie se déroule en trois phases successives :

La pose :

Dans la première phase, les joueurs posent chacun à son tour l'un de leurs pions sur l'un des points vides du plateau. Si l'un des joueurs parvient à "fermer" un moulin en alignant trois de ses jetons, il ôte l'un des pions de son adversaire choisi parmi ceux qui ne font pas partie d'un moulin fermé.

Les déplacements :

Lorsque les joueurs ont posé tous leurs jetons, débute la seconde phase du jeu. Les joueurs doivent à présent pousser l'un de leurs jetons sur un point voisin auquel le point de départ est relié par un moulin. Le but reste d'essayer fermer un moulin pour prendre un des pions de l'adversaire ou de bloquer les pions de l'adversaire qui perd la partie si aucun de ses pions ne peut bouger.

Les sauts :

Lorsque l'un des joueurs n'a plus que trois pions, il peut "sauter" c'est à dire déplacer l'un de ses pions sur l'un quelconque des points libres du jeu. Un joueur qui n'a plus que deux pions, ou qui ne peut plus se déplacer lorsque c'est à son tour de jouer a perdu.

 

Le plateau de jeu de la marelle habituelle.

 

Illustration d'un manuscrit du Moyen âge.

 

LE PROBLEME

Le problème que nous allons tenter de résoudre est celui de l'existence d'autres plateaux de jeu sur lesquels il est possible de jouer à la marelle en conservant la règle usuelle.

Définition : on appelle plan de marelle un ensemble de points contenant des sous ensembles appelés moulins et vérifiant les axiomes suivants :

A1 Chaque moulin contient exactement 3 points (l'essence de la règle du jeu)

A2 Tout point est sur exactement deux moulins (cela rend les points relativement équivalents stratégiquement).

A3 Par deux points passe au plus un moulin (laisse au joueur qui joue en second une petite chance de l'emporter)

A4 Il existe une disposition de l'ensemble des points telle que les moulins soient des segments. (facilite la reconnaissance des moulins)

A5 Il est toujours possible de relier deux points en suivant des moulins. (condition de connexité)

Exercices :

a) Vérifier que le jeu "usuel" de marelle vérifie ces 5 axiomes.

b) Trouver un plan de marelle ayant le moins possible de points.

Théorème 1 :

Dans un plan de marelle, si p est le nombre de points et m le nombre de moulins on a :

3m=2p

Théorème 2 :

Pour tout entier n supérieur à 1, il existe un plan de marelle ayant 3n points et 2n moulins.

Théorème 3 :

Les cinq axiomes A1, A2, A3, A4 et A5 sont indépendants c'est à dire qu'en enlevant l'un quelconque d'entre eux, il existe des ensembles vérifiant les quatre autres sans vérifier le cinquième.

Les cinq axiomes proposés garantissent une certaine équité du jeu lors de la première phase (la pose). Par la suite, il apparaît assez rapidement que certains points offrent plus de possibilités de déplacements ultérieurs que d'autres. Dans le plan de marelle usuel, il y a 12 points "doubles" (à partir desquels on peut aller vers deux autres points s'ils sont libres), 8 points "triples" et 4 points "quadruples". Il n'y a pas de points simples puisque tout point est sur deux moulins donc relié à au moins deux autres. Un point est au plus quadruple car il n'est que sur deux moulins (dont il est le point central s'il est quadruple).

Proposition :

Si on note respectivement p, d, t, q le nombre de points, de points doubles, de points triples, de points quadruples et m le nombre de moulins on a :

(1)

Exercice : dans le cas où p=9, déterminer tous les triplets d'entiers positifs (d,t,q) solution du système précédent.

Y a-t-il un plan de marelle correspondant à chacun des triplets trouvés ?

Solution :

Le système est équivalent à

La seconde équation montre que d ne peut varier qu'entre 3 et 6 d'où le tableau des solutions :

d

t

q

3

6

0

4

4

1

5

2

2

6

0

3

 

Les quatre schémas ci-dessous montrent qu'il existe effectivement un plan de marelle correspondant à chaque solution du système :

 

Théorème 4 :

Pour tout entier n>2 il existe un plan de marelle à 2n points doubles et n points quadruples (donc sans points triples).

Démonstration :

Tracer n rayons de deux cercles concentriques. On obtient 2n points A1, A2, A3,...,An et B1, B2, B3,...,Bn. On relie A1B2, A2B1, A2B3, etc.

Les segments se recoupent deux à deux en un point qui sera quadruple.

Le plan de marelle obtenu aura bien 2n points doubles et n points quadruples ce qui prouve l'existence d'un tel plan.

 

n=6

n=4

n=3

 

 

 

Dans le cas n=2, il n'y a pas de plan de marelle à six points dont 2 quadruples.

Théorème 5 :

Pour tout entier n>2 il existe un plan de marelle à 2n points triples et n points doubles (donc sans point quadruples).

Démonstration :

On construit deux polygones réguliers concentriques de n sommets. On prolonge dans un sens seulement les côtés du petit qui recoupent les côtés du grand en des points Ci qui seront les points triples du plan de marelle obtenu. Par ce procédé, il n'y a aucun point quadruple.

Le dessin ci-contre illustre le cas n=6.

 

Ces deux théorèmes montrent l'existence pour n>2 des solutions extrêmes car un plan de marelle à 3n points (donc 2n moulins) comporte au plus n points quadruples (un point quadruple au centre de deux moulins).

Théorème 6 :

Pour tout entier n>2 pair il existe un plan de marelle avec 3n/2 point doubles, n points triples et n/2 points quadruples.

Démonstration :

On représente trois polygones réguliers concentriques à n/2 sommets. Les côtés et les médiatrices des côtés forment les moulins.

Les sommets des polygones sont des points doubles, les milieux des côtés du polygone médian sont quadruples.

Dans le cas où n est pair les trois théorèmes ci-dessus permettent d'affirmer l'existence des deux solutions extrêmes et de la solution médiane :

d

t

q

 

n

2n

0

théorème 5

...

...

...

 

3n/2

n

n/2

théorème 6

...

...

...

 

2n

0

n

théorème 4

Théorème 7 :

Dans un plan de marelle comportant au moins 3 points quadruples, il est possible de transformer 2 points quadruples et 2 points doubles en 4 points triples.

Démonstration :

Les deux schémas ci-dessous montrent comment à partir de la situation en étoile avec beaucoup de points quadruples, transformer deux points quadruples et deux points doubles en points triples.

Les points doubles A et A' deviennent les points doubles D et D'.

Les points quadruples B et B' deviennent triples.

Les points C et C' qui étaient double de viennent triples.

Sur les nombres de points le bilan est le suivant :

q ¬ q - 2

t ¬ t + 4

d ¬ d - 2

 

Pour n assez grand, il est donc possible, à partir d'un plan de marelle à n points quadruples de passer à un plan de marelle à n-2 points quadruples.

Les schémas ci-dessous illustrent le processus pour n=8 en partant d'un plan de marelle à 24 points dont 8 sont quadruples.

 

q=8 t=0 d=16

q=6 t=4 d=14

q=4 t=8 d=12

q=2 t=12 d=10

Les schémas ci-dessous montrent qu'il est possible d'ajouter 3 points à un plan de marelle en remplaçant un point quadruple par 2 points quadruples et 2 points doubles (sans changer le nombre de points triples)

On peut à présent énoncer le

Théorème 8 :

Pour tout n>1 il existe un plan de marelle à 3n points dont : 2 points triples, n-1 points quadruples, 2n-1 points doubles.

Démonstration :

Le plan de marelle minimal (à 6 points) comporte 2 points triples, 3 point doubles et 1 point quadruple. Le procédé ci-dessus permet d'ajouter 3 points dont 2 doubles et 1 quadruple à un plan de marelle comportant au moins un point quadruple. On peut donc engendrer un plan de marelle de 3n points dont 2 triples. Les seules valeurs possibles de d et q solution du système (1) sont alors 2n-1 et n-1.

On a finalement la situation suivante concernant l'existence des plans de marelle correspondant aux solutions du système (1) :

d

t

q

 

n

2n

0

théorème 5

...

...

...

théorème 7

2n-2

4

n-2

théorème 7

2n-1

2

n-1

théorème 8

2n

0

n

théorème 4

 

Le théorème 7 permet de montrer de proche en proche que tous les nombres de points quadruples entre n et 0 sont possibles.

 

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